Vieillir : une force à partager !
"Les aînés nous avons besoin d’eux, ils ont besoin de nous."
Trop souvent l’avancée en âge et la vieillesse sont présentée comme le temps de l’immobilisme et du déclin. Les aînés s’inscrivant aujourd’hui dans la vie sociale de leur territoire, ils revendiquent que cela soit reconnu.
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La transition démographique caractérisée par un vieillissement accru de la population va se traduire par une augmentation très sensible du nombre des âgés et surtout des plus âgés dans les toutes prochaines années.
Cette transition loin d’être une catastrophe ou un « tsunami » auquel nous sommes confrontés, est au contraire une mutation sociale et culturelle qui doit réinterroger la place occupée par les aînés dans les familles et dans la collectivité. Toutes les personnes âgées ne doivent pas être considérées comme des personnes nécessairement à charge ; car, rappelons-le avec force, leurs situations, leurs conditions de vie sont extrêmement disparates. Les vieux contrairement à certaines idées reçues ne constituent pas un groupe social homogène et les prestations que certains d’entre eux perçoivent doivent être regardées avant tout comme étant la contrepartie des cotisations qu’ils ont versées. Car le très grand âge n’est pas forcément synonyme de handicaps, de dépendance, de renoncement à la vie autonome à domicile ni d’entrée en Ehpad.
Avec la multiplication attendue des familles à quatre générations, l’arrière-grand-parentalité est appelée à se réinventer et à mieux s’intégrer dans la vie familiale et sociale au même titre que la grand-parentalité si souvent étudiée et valorisée.
Animée par une éthique forte, la Semaine Bleue doit être l’occasion de promouvoir une image positive du vieillissement et de la vieillesse.
Dans ce rejet d’une vision déficitaire de l’avancée en âge, la Semaine Bleue sera l’occasion de promouvoir les contributions que tous les aînés peuvent apporter à la collectivité quel que soit leur âge, leur état de santé, leur niveau d’autonomie et leur lieu de vie. En effet, la plus-value que les aînés apportent est visible à travers la multitude de tâches qu’ils accomplissent ou de services qu’ils rendent, aussi bien dans le cercle familial que plus largement, dans la sphère sociétale.
La crise Covid a fait émerger de nouvelles solidarités intergénérationnelles de proximité. Qu’il s’agisse d’aide aux courses, de petits dépannages domestiques ou de simples manifestations de courtoisie, les initiatives furent légion et nombre d’entre elles se sont pérennisées.
Ces nouvelles solidarités plus sporadiques et éphémères renouvellent celles développées par les plus anciens qui se sont émoussées au fil de la crise sanitaire ; une prise de conscience encore timide doit aussi se traduire concrètement dans les politiques et les actions mises en œuvre à l’échelle des territoires pour permettre aux aînés de mieux vivre leur âge avec les autres générations et de prévenir leur isolement.
Participer, échanger telles sont les clés du bien vieillir dans son territoire. Cela nécessite toutefois une attention que l’on a coutume désormais d’identifier en termes de prévention de la perte d’autonomie. Il s’agit avant tout de bien vivre avec son corps en lui conservant ses capacités motrices et intellectuelles garantes de la mobilité qui constitue le principal facteur d’autonomie et de lien social. Il s’agit également d’échapper à la « relégation sociale » qui reste la résultante de l’isolement social et du sentiment de solitude. Une situation qui concerne quelques 2 millions de personnes de plus de 75 ans[1] qui n’ont plus de relations avec leur cercle familial et amical.
Bien vivre son âge c’est aussi cultiver un nouvel art de vivre ensemble dans son territoire à partir d’un habitat adapté autant dans sa localisation géographique que dans son aménagement intérieur. L’aménagement du logement et les équipements plus ergonomiques compensent les altérations fonctionnelles et permettent d’éviter les accidents de la vie quotidienne. L’ouverture et la proximité avec les voisins, le quartier, la commune protègent de l’isolement et du sentiment de solitude. L’accessibilité des commerces et des réseaux de transports en commun sont des vecteurs déterminant du maintien de l’inclusion sociale. Les nouvelles formules d’habitat, regroupé, partagé, intergénérationnel ou inclusif constituent des solutions particulièrement adaptées et accessibles aux personnes âgées souhaitant échapper à l’isolement du domicile individuel sans pour autant basculer dans la logique institutionnelle de l’hébergement collectif.
Les turbulences actuelles de la vie parlementaire et politique ne doivent pas reléguer dans les oubliettes de l’histoire notre conviction qu’au-delà de la loi « Bien Vieillir » votée au printemps dernier, seule une loi de programmation Grand Age et Autonomie, permettra de sanctuariser les politiques publiques de prévention de la perte d’autonomie.
Certains types de manifestation peuvent concourir efficacement à l’illustration de notre thématique lors de la prochaine Semaine Bleue. Les « Marches Bleues » en ouverture ou en clôture de la Semaine Bleue, sont tout particulièrement attendues dès lors qu’elles n’excluent personne et s’ouvrent aux autres générations. Elles permettront de sortir de l’invisibilité celles et ceux dont l’âge et les handicaps les excluent trop souvent de la vie sociale. Les créations culturelles de toute nature, qu’il s’agisse d’expo photos, de création théâtrale ou autres, auront à cœur d’être coréalisées dans une dynamique intergénérationnelle.
Les ateliers créatifs ou récréatifs, les forums débats seront aussi les bienvenus afin de sensibiliser la population des territoires sur les enjeux de la transition démographique et les réalités du vieillissement et de la vieillesse.
Il s’agira, à travers ces projets, de mettre en valeur les personnes âgées en tant que force et atout pour la société. Cela ne signifie pas que seules comptent les personnes « utiles » socialement. Au contraire, même lorsqu’elles ont perdu une grande partie de leurs capacités physiques et cognitives, les personnes âgées jouent un rôle crucial en nous apprenant à regarder, de manière inconditionnelle, l’autre comme un humain semblable, digne, avec lequel nous devons conserver une relation de réciprocité.
« Rester en lien » sera donc notre mot d’ordre pour la Semaine Bleue 2025.
Pour reprendre la classification du sociologue Serge Paugam[2], il s’agira de promouvoir les liens de filiation (la famille), les liens de participation élective, (les amis, les voisins) sans oublier les liens de citoyenneté qui permettent de s’inscrire dans la vie sociale de son territoire.
[1] Source Baromètre de l’isolement social des personnes âgées Les Petits Frères des Pauvres
[2] L’attachement Social Forme et fondement de la solidarité humaine Serge Paugam Éditions du Seuil 2023